Humeurs

Le silence

Il n'y a parfois que lui qui est acceptable. Je ne peux pas faire autrement que de me taire.
Je veux respecter ce temps, l'écouter, respirer.

Et puis au bout d'un moment, un autre temps vient. Les mots se font un chemin, ils affleurent au bord des lèvres, au bout des doigts, hésitants, maladroits, vivants et pressants.
Mais…

Que dire dans le tumulte et les hurlements ambiants ?
Quel humain être dans un monde de mégabytes et d'algorithmes ?
Quelle poésie murmurer face à la terreur ?
Quel chant harmoniser dans le bruit assourdissant qui nous entoure ?
Quelle guérison proclamer quand les balles sont en train de percer les chairs ?
Quel retour d'exil appeler lorsque la désolation est en cours ?
Quelle joie exprimer quand la peur nous est inoculée avec rigueur et précision ?
Quelle espérance vivre sans se faire d'illusions ?

Et pourtant…
Dans le tumulte et les hurlements, je peux dire une parole.
Quand la déshumanisation semble fatale, je me dois d'être humain.
Face à la terreur, je peux murmurer un poème.
Dans le bruit assourdissant, un chant harmonieux peut monter

Quand les balles percent les chairs, la guérison doit être proclamée.
Quand le temps est à la désolation, je peux appeler le retour de l'exil.
A la peur institutionnalisée, je peux opposer notre joie.
Quand les illusions tombent, nous pouvons vivre.

Alors humblement, parlons, soyons humains, faisons de la poésie, chantons, proclamons, appelons, faisons la fête, aimons…

Isaac Bonnaz